Ses voyages

Voyages Gustave-Charles Toussaint

Très tôt Gustave-Charles Toussaint se passionne pour l’étude des différentes civilisations de l’Asie et se met à l’étude du mandarin, du sanscrit, du tibétain, du mongol et du turc djagataï.

Sa carrière coloniale lui donne le goût des voyages et au lieu de rentrer en France pendant ses congés, « il se promène » à titre personnel notamment :

Aux îles Salomon avant toute occupation étrangère, sur la Corvette française Le Orff et aux Nouvelles Hébrides d’où il a rapporté des tabous en bois dont il fait don au musée de l’homme à Paris.

Alors qu’il était en poste à Madagascar, de septembre 1903 à janvier 1904 il se rendit en Kachgarie (Kirgistan actuel), au Set Chouan (Chine) et en Mongolie.
Il avait alors relevé une inscription tibétaine au mont Taishan et exploré une cité nestorienne en ruines ( chrétiens du VIIe siècle )
Un rapport de son voyage a été adressé à son ami Guillaume Grandidier de la Société de Géographie de Paris.

En 1907 il effectua un voyage au Tibet occidental , au Ladak et en Birmanie.

Au début de 1911 lors d’une autre expédition en chine du sud au Setchuan il a remonté le Yangzi depuis Nankin, visité le mont Emei et séjourné à Changdu. Il a réussi à pousser vers l’Ouest jusqu’à Lithang où il acquit en avril 1911 à la grande lamasserie un manuscrit vieux d’environ 3 siècles, serré entre deux planchettes et lié avec une courroie, un récit épique en vers composé de 108 chants relatant la vie et les dires (les gestes) d’un personnage mythique : Padmasambhava, le moine vagabond fondateur du bouddhisme tibétain . Sa traduction va lui demander 17 années de travail.

Ce manuscrit ancien se trouve à la BNF à Paris et le manuscrit de la traduction se trouve à la bibliothèque du musée Guimet.

1903 : Voyage en Kachgarie, au Tien-Chan et en Mongolie

« Le 2 septembre 1903, M. Gustave-Charles Toussaintpartait de Och et gagnait Kachgar en dix jours par le Treck-davân. Il se dirigeait ensuite vers le nord-est, voyait àAltyn-Artych les ruines de la grande mosquée détruite par le tremblement de terre de l’année précédente, passait au poste chinois d’Ayak-sougoun et, àun jour de marche au-delà, reconnaissait le lac saléen voie de dessèchement dénomméChor-kél sur les cartes russes, mais que les Kirghiz appellent en réalitéZembil-Koul. Ce lac n’occupe plus aujourd’hui qu’une minime partie de son lit ancien, dépression allongée s’étendant sur au moins 70 kilomètres du sud-ouest au nord-est et montrant de tous côtes un sol salin sur lequel une forêt de   «   toghrak   »achève de mourir. De là, par Ptchân et la montagne, M. Toussaint atteignait la vallée du Kok-Chaal, qu’il suivait jusqu’àOutch-Tourfan. A quelque distance en amont de Sepher-Bagh, il observait sur des blocs de rocher des hiéroglyphes attribuables aux anciennes tribus Kalmoukes de la région.

Après avoir visitéOutch-Tourfan, M. Toussaint faisait route vers l’angle sud-oriental de l’Issyk-Koul. Le 29 septembre, il rencontrait un peu au-delàde Ouy-Tal le dernier officier chinois de la frontière et campait le lendemain au lieu dit Sarik-Tchat,

À proximité du Bedel-davân. Par ce col, il franchissait une grande ligne de crête du Tien-Chan, laquelle n’est cependant pas ici la chaîne maîtresse, puisque dans cette partie du massif, elle ne sépare pas les eaux tributaires du Tarim d’avec le bassin de l’Issy-Koul. Monsieur Toussaint passait ensuite au lieu dit Kilin Taïgak, reconnaissait dans la matinée du 2 octobre le petit lac d’oukourghen, traversait le même jour l’Ak-Bel ou le « défiléblanc   »et, àla sortie de celui-ci, dressait sa tente entre des glaciers et des cimes vierges, au bord de la rivière lak-Tach, affluent de celle de Naryn. Le lendemain, il remontait quelque peu la rivière, faisant route au nord et franchissait la haute arête qui domine l’angle sud-est de l’Issyk-Koul par un col fort peu connu, élevéet difficile, le kachka-sou-davân, lequel porte, selon l’usage de la contrée, le nom du cours d’eau qui en découle.  En venant de l’intérieur du massif, la rampe d’accès de ce col est très douce, mais la descente vers l’Issyk-koul est escarpée et requiert du cavalier une attention soutenue, àcause des glaces qui s’y trouvent. Quand au col lui-même, c’est un passage assez long, occupépresque en entier par un chapelet de lacs minuscules et se resserrant finalement entre les glaciers. M. Toussaint parvenait ensuite, àtravers de larges forêts de sapins, àla vallée du Zouko-sou et, sur la rive gauche de cette rivière, il relevait le 4 octobre une inscription tibétaine. Celle-ci, gravée sur un bloc isoléde granit dont les caractères géologiques resteraient àdéterminer, n’est autre que le fameux mantra « om mani padme houm », écrit trois fois en lettres d’assez grandes dimensions.

Près de Slivkina, M. Toussaint rencontrait le premier poste russe, d’oùil gagnait rapidement la ville de Kara-Koul, nommée aujourd’hui du nom illustre de Prjevalsky. Il se rendait ensuite sur la rive septentrionale de l-Issik-Koul pour y voir des inscriptions turkes et des «  kameni-baba  »   ; après quoi il se dirigeait vers Kouldja. A 25 kilomètres de cette ville, il visitait le 12 octobre un campement de Kalmouks lamaïstes et y faisait l’acquisition d’un manuscrit tibétain. Puis il se rendait au masar de korgos, près duquel il voyait les ruines d’une citénestorienne, dont l’identitépourra être déterminée àl’aide des pierres tumulaires qu’on y trouve. M. Toussaint a pu rapporter une de ces pierres, oùfigure, entre des caractères syriaques, une croix accompagnée d’une rose.

Ensuite, par Djarkent, Kopal, Semipalatinsk et Barnaoul, M. Toussaint rejoignait le chemin de fer de Sibérie, qu’il utilisait jusqu’àVerkhné-Oudinsk. De làil faisait route sur Kiakhta, puis sur Ourga, et atteignait le 19 novembre cette ville sacerdotale. D’ Ourga il se rendait àune lamaserie peu visitée, qu’on appelle Mandju Cri-Lamaï-khit. Ce monastère, qui compte près de mille lamas et a comme chef un khoubilgân, est  situéderrière la célèbre montagne sainte (Bogdo-Oula) qui domine Ourga au sud.

Le chemin direct pour s’y rendre étant bloquépar la neige, M. Toussaint dut contourner le Bogdo-Ourla et ne parvint àla lamaserie que le second jour de route. Fort bien accueilli par le khoubilgân, il put voir en détail les yourtes et les installations des lamas, les temples aux étroites salles sombres pleines de livres et de figures sacrées et enfin les rochers sculptés, peints et décorés de l’escarpement au bas duquel s’étage la lamaserie.

Revenu àOurga, puis àKiakhta en voiture traînée par des cavaliers mongols, M. Toussaint regagnait le chemin de fer, qui le portait àPékin. Là, il obtenait du grand prêtre taoïste un texte du Tao-Te-King. Enfin, après une visite àla passe de Nan-Kao et aux tombeaux des Ming, il allait se reposer deux semaines au Japon et rentrait àParis le 25 janvier 1904 ».

Sources : Gallica /  BNF . Sociétéde géographie (France). La Géographie (1900). 1900-1939.

1907 : Voyage au Ladak

Juin à septembre 1907.

Kargil

« Voyage de M. Gustave-Charles Toussaint au lac Pang-Kong.
Sur ce voyage, M. Henri Cordier, de l’institut, a bien voulu nous adresser la note suivante  :
Parti de Tananarivo le 13 juin 1907, M. Gustave-Charles Toussaint gagnait l’Inde et Srinagar, d’où, le 27 juillet, il se mettait en route pour le Ladak.
Entre Tashgan et Kargil, il observait divers dessins rupestres, analogues à ceux déjà décrits par Francke dans l’Indian Antiquary (vol. XXXI, pp398 ss), mais représentant des sujets nouveaux, notamment un personnage en palanquin. A Leh, il recueillait des textes tibétains, dont le tome vingt-huitième du Mdo et un hymne à la déesse Sgrolma, et il assistait à Shé à une fête de rite anté-bouddhique célébrée chaque année au temps de la moisson. Il se dirigeait alors, en visitant les lamasseries rouges de la région, vers Tanksé et le Pang-kong-Tso. Après avoir suivi la rive méridionale du lac jusqu’à Shushol, il reconnaissait le 25 août, au nord-est de ce village, la frontière du territoire de Rudok, puis revenait à Tanksé par le kongta-La et la vallée Burma, dont la faune variée montre tour à tour, l’hémione, la marmotte et la panthère des neiges. A l’entrée de Tanksé, le voyageur relevait sur un rocher une inscription nestorienne, non encore signalée accompagnée de croix caractéristiques et paraissant de langue ouïgour.

Regagnant ensuite Kargil, M. Toussaint remontait la rivière de Suru et, durant plus d’une journée de marche, rencontrait encore des dessins rupestres, nombreux surtout avant Tsalishkut. Il remarquait dans le dialecte tibétain de Suru la persistance de la prononciation de lettres initiales qui ne se prononcent plus au Ladak.
Pour rejoindre ensuite la vallée de Wardwan, il laissait sur sa gauche la passe Bhot-kol et franchissait le col Pantsal, passage difficile où il perdait un cheval. Le 14 septembre, il atteignait Islamabad.

Enfin, avant de rallier Paris, il se rendait en Birmanie, et voyait à Mogok, connu par ses mines de rubis, des montagnards Palaung et Licho de la contrée environnante ».

Source  : BNF – Gallica – La Géographie (1900)
Bibliothèque nationale de France.

1911 : Voyage au Sseu-tch’ouan et aux marches orientales du Tibet

16 janvier 1911 au 30 mai 1911 
Sources:  La Géographie, T XXVI, 1912 ;  et Dictionnaire des explorateurs français du XIXe siècle. (Asie).

31 janvier 1911 : Changhaï

Parti de Paris le 16 janvier 19011 et parvenu à Changhaï le 31 Janvier, il visite d’abord Nankin et la tombe du premier Ming. A une dizaine de «  lis » ( environ 5 km ) de celle-ci, il allait voir dans un vallon boisé la pagode du « Dragon de la Vallée des Esprits », « Ling Kou Long Chen », comme l’appelle la tablette du temple et trouvait dans une annexe délabrée deux stèles de la huitième année Han-Fong.

Après la visite de Nankin et ses environs, il franchit les gorges du Yang-Tsé jusqu’à Wan-Hien. Il remontait ainsi le fleuve bleu en utilisant à partir d’Yi-tch’ang un sampan rouge et s’arrêtant pour la nuit, tantôt dans des pagodes, tantôt chez les paysans.

Monatère de Litang

23 Février 1911 : Départ pour Tcheng-Tou

Il quittait Wan-hien pour Tcheng-Tou, capitale provinciale, par la route de terre, où notre consul, Bons d’Anty, lui prête son concours. Dans les montagnes riches en charbon que l’on franchit après Leang-chan, il observait une image tricéphale à six bras du genie de ces monts, Chan Wang Pou-sa, sur laquelle des plumes de coq étaient fixées avec du sang. A Paï-tou-men, curieuse bourgade sur un sommet, il voyait un sanctuaire bouddhique en balcon, à salles multiples, véritable musée iconographique aux représentations naïves. Par contraste avec ces chefs-d’œuvre de village, il admirait à P’eng-tçi-hien la solennelle ordonnance et la perfection raffinée de l’art chinois, en un temple confucéen déjà vétuste, aux parvis envahis par les herbes et la mousse.

12 mars 1911 : Départ pour Ta-Tsien-Lou

Après six jours de station dans la capitale provinciale, où M. le consul général Bons d’Anty lui prêtait une précieuse assistance, il quitte le 12 mars les riches plaines du Se-Tchouen et prend la route traditionnelle du Tibet dont la première grande ville  importante Ta-Tsien-lou. Dans la région de Ya-tcheou, il observait  un type ethnique nettement différent du chinois, outre que les femmes ont les pieds normaux et portent des bijoux particuliers. A Ta-tsien-lou, il remarquait chez de nombreux Tibétains une sorte de noircissement du visage, dû à la triple action du froid, du soleil et du vent,  particularité que présentaient aussi les soldats chinois revenant du Tibet. S’étant mis en route vers Li-sang avec une caravane légère, M. Toussaint constatait l’existence , à partir du premier grand col au-dessus de Tcheto, de puissantes formations de schistes anciens se continuant jusqu’à Li-sang même, où leur aspect rappelle les phyllades cambriens de Rennes, sa ville natale. Près de Nanyampa, il était reçu chez un chef, dans un logis d’allure féodale, dont la grande salle était décorée de fresques bizarres où figuraient des swastika ( croix omniprésente chez les bouddhistes, symbole de l’éternité en Chine, il symbolise le dieu Ganesh pour les Indous et il est le symbole premier du Jaïnisme, incliné à 45 degrés il a été adopté comme emblème par le parti national-socialiste allemand et le troisième Reich). Il remarquait dans cette même contrée l’usage en guise d’échelles de madriers à entailles, semblables à ceux dont se servent les Tanala du sud-est de Madagascar. Au-delà de Tong-golo, du haut col qui domine ce lieu, lui apparaissait une suite grandiose de cimes blanches depuis le Jarakabo jusqu’au Kongka-la, avec le Djala-riet le Yatchaké-la. A Tsong-do, alias Ho-k’eou, sur le ya-long, il avait le plaisir de rencontrer un compatriote, M. Kérihuel, chargé par le gouvernement chinois d’établir un pont suspendu moderne en ce point de passage important, où les outres en peau de yack sont encore utilisées concurremment avec le pont de bateaux. Il voyait là un aigle à tête jaune, une variété particulière à cette région. Tant en deçà qu’au-delà du Ya-long, il remarquait que la limite supérieure des forêts de chênes- verts et de sapins dépasse parfois 4000 mètres.  Entre Tsong-do et Makyen-dsong, il rencontrait de longues inscriptions tibétaines sur les rochers. A Si-golo, le 30 mars, vers la fin du jour, il observait un orage accompagné d’une bourrasque de neige. Près de Tchamaradong, il observait un gisement d’or alluvionnaire montrant les traces des travaux des orpailleurs. Dans les hautes vallées qui avoisinent Hotchouka, il voyait les tentes noires des gardiens de yacks, et leurs troupeaux en masses compactes au flanc des escarpements.

1 avril 1911 : Arrivée à Li-thang : le fameux manuscrit du guru Padmasambhava

A Li-thang, but de son voyage, Toussaint effectue une visite détaillée de la grande lamasserie qui n’a guère changé depuis le passage du père Huc. Le saint des saints du principal temple, salle étroite et haute éclairée par des lampes à beurre, présente un encombrement d’emblèmes et de statues étranges, que domine Gçin-Gçed avec ses têtes étagées jusqu’à la voûte, tandis que près du seuil, plus fantastique encore d’être plus proche, se tient une sombre figure debout, les bras écartés, à tête de taureau, et voilée. M. Toussaint acquérait des lamas, outres des planches à imprimer des dharani,  les deux premiers volumes du Mdo du Kandjour, exemplaires à feuilles noires enrichis de miniatures, ainsi qu’un manuscrit non connu encore à Paris, portant un double titre en langue d’Urgyan, c’est-à-dire de l’Udyana, et en tibétain, et consacré au fameux guru Padmasambhava dont il mis 17 ans à traduire les chants et poèmes.  D’autre part, un sorcier de Li-thang, qu’il rencontrait près d’un mchod-rten et allait voir ensuite à domicile, lui cédait une série d’images à envoûter et divers manuscrits. Il recueillait encore la légende de Lama Kimbo, monstre ennéacéphale,  dont les têtes repoussaient à mesure que le prince les faisait couper, mais qui périt en perdant la neuvième et dernière et proféra alors une malédiction qui pèse toujours sur Li-thang.

10 avril 1911 : Retour à Ta-tsien-Lou

En revenant de Li-thang à Ta-tsien-Lou,  M. Toussaint se détachait de la route pour visiter, près de Sigolo, la lamasserie de Gologesa-dgon-pa, où, du moins au dire des lamas, n’était pas encore venu d’Européen. Aux abords de ce monastère, qui donne l’ impression d’être assez important, se voient deux moulins à prières sur un torrent et des arbres où flottent en offrandes des étoffes rouges. Dans son retour vers Ta-tsien-Lou, qu’il rejoint vers le 10 avril 1911, le voyageur trouvait, au passage des cols, beaucoup plus de neige qu’en mars et il passait, à la descente sur Tche-to, à travers une tempête de neige.

Il explore ensuite le pays du Yutong (13,14 et 15 avril ), région extraordinairement accidentée, coupée de gorges très profondes et riche en mines d’or.  Il prenait comme point de départ  Wa-che-keou, à la jonction du torrent de Ta-tsien-lou avec T’ong-ho, lequel semble précisément porter le nom du pays de Yutong. Il remontait la rive droite de ce fleuve pendant environ soixante lis (30 km), par un mauvais sentier à flanc de falaise que coupait en un point un grand éboulis, si bien qu’il fallut, non sans risque, rétablir un passage de fortune. Il visitait la petite la lamasserie de Koutsa, à côté de laquelle le T’ong-ho reçoit l’affluent de Yong-tchong, passait ensuite au pied du village de Chelet, résidence d’un T’ou-sseu, franchissait le Mo-tse-ho, longeait les villages de Leu-chou et de Wigon, et quinze lis (7 à 8 km) au-delà de ce dernier, non loin de Yipa, traversait par un bac le T’ong-ho. Il arrivait alors à Kiang-oui, sur la rive gauche, où le fleuve reçoit le Kiang-tsoui-ho. Le lendemain, il gravissait la haute falaise qui domine le confluent et parvenait au village de Koungka, d’où la vue embrasse l’intérieur du pays, depuis Mepont tout proche, résidence d’un T’ou-sseu, jusqu’à Tsangtsanfg plus éloigné, vers l’est, en passant par  Chanjuan et Zeuyan. Prenant alors la direction du sud, il traversait successivement Kaou, qui possède des moulins à sable, le gros village de Tsoutsa, ceux de Kienki et d’ Obaou, et accédait à la vallée du Long-ngan-ho, où confluent l’Obaou et le Kayan-ho et qui s’ouvre sur le fleuve en face du Chelet.  De l’autre côté du thalweg, il montait au village de Long-ngan, puis redescendait à Pangki sur le T’ong-ho et achevait sa reconnaissance en suivant la rive gauche jusqu’au bac de Joki, par Sseki, en face de Koutsa, Khaï et Jekio. A ce dernier point et en dessous de Khiéjeu, aboutit un petit tributaire, le Jekio-choueï, sur la rive gauche duquel est le village de Touanchang.

Tout ce pays de Yutong, dans la partie reconnue par M. Toussaint, est caractérisé par des coupures abruptes et profondes que forment les cours d’eau. Il y a des serpentines au bord du fleuve et des schistes sur les hauteurs de la rive gauche. En amont de Kiang-oui existent des gisements aurifères, où fréquentent les hommes de ce village.  Les cultures sont fort belles, tant sur la rive du T’ong-ho, lorsque la falaise les rend possibles, que sur les hautes terres. De nombreux villages accompagnent les cultures. Les habitants, à demi chinoisés, sont cependant lamaïstes; on rencontre çà et là des mani (om mani padmé om : le joyau est dans le Lotus) et de petits sanctuaires et, près de certains villages, les mâts où flottent les lha-dar  (drapeaux de prières) sont assez nombreux pour former par leur assemblage de véritables bosquets. La langue est le tibétain de Li-thang, mais le chinois est connu. Les hommes sont habillés à la chinoise, tandis que les femmes portent un costume tibétain. Les maisons sont tibétaines; elles ont quelquefois le toit chinois. Des tours de pierres tibétaines se voient à kiang-oui et dans le voisinage de Jekio.

Après cette reconnaissance au Yutong, M. Toussaint se rendait à Fou-lin, puis à Houang-mou-tchang. Près de ce point, il visitait le village de Lolo, d’ailleurs en partie chinoisé, de Soumpien, et, relevait dans le langage qu’on y parle certains rapports avec le tibétain. Il continuait ensuite sa route par le Wa-chan jusqu’ à  l’Omei-chan, la célèbre montagne consacrée à Samantabhadra, dont il remarquait le nom tibétain, Kuntu-bzang-po, inscrit dans le temple du sommet.

Du mont Omei, le voyageur venait à Kiating et allait voir au Ta-fo-sseu les stèles anciennes et réputées qu’on y conserve ; il s’en procurait des estampages. Puis, par la rivière Min, il descendait sur Soui-fo, en visitant au passage, dans les grés rouges de la rive,les Man-tong ou grottes des Man, avec leurs lits funéraires et leurs sculptures barbares, sans négliger non plus une petite statue sise à proximité et qu’on lui dit être aussi l’œuvre des Man.

Son voyage se termine par Tch’ong-k’ing et Han-k’eou puis Pékin par le train.  M Toussaint regagnait Paris, qu’il atteignait dans la soirée du 30 mai par le trans-sibérien quatre mois et demi après son départ.

1920 : voyage en Mongolie Orientale

De Pékin à Ourga capitale mongole aujourd’hui Oulan-Bator.

Membres du voyage :

  • Gustave-Charles Toussaint, Juge Consulaire, promoteur et grand animateur du voyage
  • Henri Picard-Destelan, Directeur Général des Postes chinoises
  • Alexis Léger, Secrétaire d’Ambassade
  • Jean-Augustin Bussière, Médecin de la Légation de France en Chine

Gustave-Charles Toussaint organise ce voyage « entre amis » de 11 jours depuis Pékin jusqu’à Kalgan en chemin de fer puis de Kalgan jusqu’à Ourga en automobile Buick à travers les pistes et les steppes de Gobi. Au total les voyageurs auront parcouru près de 2900 km aller et retour dont 380 km en train.

Une journée de train à travers la campagne chinoise les amène depuis Pékin jusqu’aux portes du désert de Gobi à Kalgan. Le voyage se fera ensuite en automobile Buick. Ils feront étape dans les postes télégraphiques installés le long de la piste et plus rarement dans une yourte. En chemin ils visitent de nombreuses lamaseries. Les majestueuses étendues des plaines désertiques du désert de Gobi sera leur quotidien jusqu’à leur arrivée à Ourga, la ville des Lamas. Visite des environs de la ville avec ses stupas, ses monastères et ses temples, ainsi que le Saint Monastère où demeure le bouddha vivant des Khalkhas. Le retour sur Kalgan se fait sur des routes rocailleuses et tortueuses jalonnées de caravanes et de cavaliers. Arrivée le 21 mai en gare de Pékin.

En lire plus sur le site de Jean-Louis Bussière.

1922-1925 : Voyage au Laos

«  … Je viens de faire un voyage au Laos de 36 jours  : Thakhek, Vientiane, Luangprabang, Xienkhouang. J’ai remonté le Mékong pendant deux cents lieues, ce qui n’est guère …(?)  ; salué le roi de Luangprabang qui m’a offert une belle fête et a décoré de son ordre ma femme quoiqu’elle ne fût pas là., j’ai aussi traversé des forêts où j’avais peine à passer à cheval et visité les fameuses jarres de la plaine du même nom…  »

Lettre manuscrite de Gustave-Charles Toussaint à Jean-Augustin Bussière.

1924 : Voyage au Groënland

Gertrud Rask

Des changements d’affectation lui permettent de poursuivre sur le chemin de la connaissance. Jusque sur la banquise du Groënland, comme le rappelle le journal de bord de 1924 du navire danois Gertrud Rask. Le commandant de bord y indique que le rocher découvert par son passager et qui ne figure sur aucune carte, s’appellera désormais « Toussaint Island, belonging to the France ».

Extrait du centre de recherches inter-nordiques: BOREALES.

Publié avec le concours du Centre National des Lettres; N° 36-37 .1988.

Des toponymes français au Groenland. Par Hugues-jean de Dianoux ( Archiviste-paléographe, ancien ambassadeur de France ).

«… en effet, à cette date une remarquable personnalité française, Gustave- Frédéric-Charles Toussaint, se rendit à bord d’un bâtiment danois, le «Gertud Rask», dans les parages du Groenland oriental. Avec l’équipage de ce bateau, il fut bloqué dans la banquise pendant plusieurs semaines. En parcourant celle-ci, il découvrit soudain un terrain rocheux que le commandant du navire danois lui dit être l’émergence d’une île.

Selon une première version dont me fit part à plus d’une reprise le fils de Gustave-Charles Toussaint ( qui fut ambassadeur au Népal et à Ceylan, et qui est l’auteur d’un ouvrage sur l’histoire du Japon.), le commandant du Gertrud Rask aurait déclaré que l’île dont il s’agit, étant découverte par un français, devait appartenir à la France. Monsieur François Toussaint m’assura que mention avait été faite dans le journal de bord du susdit navire et que l’ambassade de France au Danemark en avait pris bonne note. Aussi donc, ( mais selon quelle autorité ?) la France se verrait reconnue la possession d’un îlot presque entièrement recouvert, en tout cas dans la plus rude saison, par la banquise.

La question méritant d’être suivie, je saisis l’occasion d’un séjour à Copenhague en mai 1968  pour m’entretenir avec l’ambassadeur de France, S.E. Monsieur René Bouvier, et pour attirer sur le sujet l’attention de son attaché militaire et naval. A ce jour, il n’apparaît pas que les diplomates français en poste dans la métropole danoise aient retrouvé ( où même qu’ils aient cherché à retrouver) trace d’une offre à la France d’une île groenlandaise à la suite de l’initiative, généreuse mais toute personnelle, du commandant d’un bateau vraisemblablement hydrographique.

J’ajouterais, que selon une version plus récente, M. François Toussaint, en me communiquant des données biographiques sur son père – en vue d’une notice sur celle-ci à faire paraître dans la collection «Hommes et Destins» en cours de publication par l’Académie des Sciences d’Outremer, ne fait plus mention de ce qui eut pu devenir un des fragments les plus vite oubliés de l’Empire d’antan (tout comme ces «loges françaises», au Bengale oriental, à Dacca, et autres lieux, qui furent si passées de la mémoire qu’elle n’ont pas été cédées, comme les «loges françaises» de l’Inde le furent à la République indienne le 6 septembre 1947, au Pakistan oriental, devenu le Bangladesh – et que ainsi, elles demeurent théoriquement françaises, dans l’oubli général).

Selon cette seconde version, le commandant du Gerdrud Rask aurait seulement décidé d’appeler l’île découverte par Gustave-Charles Toussaint de son nom, c’est-à-dire Toussaint island, et c’est cela qui serait en réalité inscrit surle journal de bord du bâtiment danois.

Si même, et dans la zone géographique où il y a déjà cette inattendue Île de France et les Franske island, la venue dans ces paysages désolés de ce très étonnant Gustave-Charles Toussaint ( dont je garde le souvenir inoubliable, avec sa haute taille et sa voix de stentor) n’avait abouti qu’à ce que son nom fut, en principe donné à une île, mais sans être avalisé officiellement sur les cartes récentes du Groenland, il faudrait de toute façon y voir, quoique anecdotiquement, un non-négligeable apport à l’histoire des relations franco-groenlandaises.

Et qu’il me soit ici permis, bien que cela sorte du cadre propre aux études boréales, de dresser un tableau succinct de la vie et des œuvres de Gustave-Charles Toussaint.

Né à Rennes le 11 janvier 1869, il commença, après ses études de Droit, une carrière de magistrat colonial. Il servit en cette qualité à Nouméa (1893-1895), à Pondichéry (1895_1897), à Tananarive, puis comme avocat-général à Hanoï en 1913. en 1917, il fut envoyé par Philippe Berthelot (alors secrétaire général du Ministère des Affaires Étrangères) en mission judiciaire à Changhaï puis à Pékin. Ce premier séjour en Chine le mis en contact avec Alexis Léger (Saint-John Perse) et avec Victor Ségalen. L’un et l’autre de ces deux écrivains, et surtout le second, tirèrent une partie de leur inspiration de la manière de comprendre la Chine et de saisir le génie chinois ainsi que celui de Thibet de Gustave-Charles Toussaint. En effet, c’est l’admirable et hautement poétique traduction que fit le magistrat colonial d’une œuvre de la littérature tibétaine médiévale, sous le titre en français du «Dict de Padma» qui incita Victor Ségalen à écrire sa dernière œuvre, le long poème «Thibet».

Gustave-Charles Toussaint, qui avait lui-même, publié plusieurs recueils de poèmes ( ainsi «Stupeur»,Le cœur qui trembleet « Miroirs de Goules», fut encore en service en Extrême-Orient après la première guerre mondiale: procureur général à Hanoï en 1922 et ensuite juge consulaire, puis président du «Tribunal consulaire français en Chine», avec résidence à Changhaï avant sa retraite survenue en 1934.

Il mourut le 12 octobre 1938 à Paramé (Île et Vilaine). Il laissait de nombreux textes inédits et des archives personnelles, certainement de grand intérêt, mais tout cela,  que son fils François Toussaint envoya de Paris en Bretagne en juin 1940, disparut en des jours sombres, dans le bombardement allemand d’un train en gare de Rennes. (bombardement du 17 juin 1940).

Gustave-Charles Toussaint avait le tempérament et le physique de ces explorateurs, qui furent aussi des chercheurs et souvent des savants tels que la forte France du XIXème siècle en avait fait naître. Il avait parcouru, en 1903- en prenant comme il le fit souvent des vacances de ses fonctions de magistrat colonial- la Kachgarie, les monts Tien-chan et la Mongolie. Il ne put aller à Lhassa, bien qu’il ait acquis une remarquable connaissance de la langue tibétaine, mais il parcourut le Tibet occidental. Et aussi les Îles Salomon avant même que cet archipel océanien ne fut colonisé par moitié par les Allemands et les Britanniques.  Son fils me narrait une scène, hautement pittoresque, que lui raconta ( en l’enjolivant ?) son père. Le magistrat colonial en vacances, «in partibus infidelium» (les «infidèles»- primitifs- qui n’avaient pas compris le sens de l’histoire!) se trouvait devant les indigènes des Îles Salomon «querentes quem devorent». Comment se sortit-il de ce mauvais pas? Il se couvrit de son chapeau haut-de-forme (nous sommes à «la belle époque) et un magistrat colonial ne pouvait dignement se coiffer autrement!). Stupéfait de voir l’étranger blanc revêtu d’une telle coiffe, les «would-be man eaters» prirent la fuite.

Il n’est pas indifférent de noter, et de rappeler l’aventure, ici dans un monde froid et proprement minéralogique, aventure en fait «originale saga» qui fit aborder Gustave-Charles Toussaint sur la banquise groenlandaise.

Il reste à déterminer, plus exactement pourquoi la carte du Groenland fait apparaître quelques toponymes d’allure française , évoquant tels ou tels francophones, et la France elle-même, avec cette mystérieuse «Île de France». Que le chercheur qui réussira à résoudre les problèmes d’histoire et de toponomastique ici exposés, n’oublie pas en tout cas, de mentionner Gustave-Charles Toussaint. »